Médecine mapuche : les plantes sacrées du Chili que le monde occidental ignore

Médecine mapuche les plantes sacrées du Chili que le monde occidental ignore

Au sud du Chili et de l’Argentine, au cœur de paysages verdoyants, de forêts primaires et de volcans, vit un peuple dont la médecine millénaire fascine autant qu’elle demeure méconnue : les Mapuches. Ce peuple autochtone, dont le nom signifie littéralement « gens de la terre » (mapu = terre, che = gens), conserve une tradition médicinale profondément enracinée dans la nature. Loin des laboratoires modernes et des chaînes pharmaceutiques, les Mapuches soignent avec les plantes, les esprits et le respect du vivant. Leur pharmacopée, transmise oralement de génération en génération, constitue une véritable mine de savoirs en matière de soins naturels. Nous vous emmenons à la découverte de la médecine mapuche, de ses plantes emblématiques comme le canelo, la murtilla ou le boldo, à sa vision spirituelle de la santé, en passant par les enjeux contemporains de sa reconnaissance.

Une médecine enracinée dans la Terre et l’Esprit

La médecine mapuche ne se limite pas à un ensemble de remèdes. C’est un système de pensée holistique qui repose sur l’équilibre entre les éléments, les émotions et les forces invisibles. Pour les Mapuches, toute maladie est le signe d’un déséquilibre — non seulement physique, mais aussi énergétique, émotionnel ou spirituel.

Le soin ne peut donc être efficace que s’il est global. Il implique souvent plusieurs niveaux d’intervention : ingestion de plantes médicinales, rituels spirituels, purification, prières ou encore appel aux esprits de la nature, appelés ngen. Ces derniers sont considérés comme des gardiens des forêts, des montagnes ou des rivières, et leur accord est essentiel pour utiliser les ressources naturelles à des fins de guérison.

Le ou la guérisseuse, appelée machi, est au centre de cette tradition. Son rôle dépasse celui d’un herboriste : c’est une figure sacrée, à la fois guérisseur·se, médium et guide spirituel·le. Formé·e dès l’enfance, souvent après un appel surnaturel, le ou la machi connaît les cycles lunaires, les correspondances entre maladies et émotions, les propriétés des plantes locales et les chants de guérison (ngillatun).

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Trois plantes sacrées de la pharmacopée mapuche

Parmi les centaines de plantes utilisées dans la médecine mapuche, certaines tiennent une place particulière, tant pour leur efficacité que pour leur symbolique. Voici trois d’entre elles.

1. Le canelo (Drimys winteri) : l’arbre sacré du peuple mapuche

Le canelo, ou foye en langue mapudungun, est considéré comme l’arbre sacré par excellence. Il est souvent planté près des habitations comme protecteur spirituel. Dans la pharmacopée, son écorce et ses feuilles sont utilisées pour leurs propriétés antiseptiques, anti-inflammatoires et digestives.

Traditionnellement, le canelo est prescrit pour soigner les infections respiratoires, les rhumatismes, ou encore stimuler la circulation sanguine. En infusion ou décoction, il agit comme tonique général et aide à équilibrer le corps après un traumatisme ou une période de stress.

Mais au-delà de ses vertus médicinales, le canelo est aussi un symbole de paix et d’unité, souvent utilisé dans les cérémonies rituelles.

2. La murtilla (Ugni molinae) : la baie anti-inflammatoire oubliée

La murtilla est un arbuste aux petites baies rouges au goût acidulé, souvent comparées aux myrtilles. Peu connue en Europe, cette plante regorge pourtant de bienfaits. Les Mapuches l’utilisent depuis longtemps pour traiter les inflammations internes, les douleurs musculaires et les infections urinaires.

Des études récentes ont montré que la murtilla possède un fort pouvoir antioxydant, grâce à sa richesse en polyphénols. Elle est également bénéfique pour le microbiote intestinal et soutient le système immunitaire. Elle peut être consommée fraîche, en tisane ou en extrait concentré.

Aujourd’hui encore, la cueillette de la murtilla reste une activité communautaire, où le respect du rythme de la nature prime sur la productivité.

3. Le boldo (Peumus boldus) : l’allié du foie

Le boldo est probablement la plante mapuche la plus connue à l’international, notamment pour ses bienfaits sur la digestion et le foie. Utilisé en infusion, il aide à soulager les troubles hépatiques, les nausées, les ballonnements et stimule la sécrétion biliaire.

Chez les Mapuches, le boldo est aussi utilisé comme purifiant général, notamment lors de cures de désintoxication physique et émotionnelle. L’odeur forte de ses feuilles est réputée repousser les « mauvaises énergies » et clarifier l’esprit.

Le boldo pousse à l’état sauvage sur les hauteurs andines, dans un climat tempéré. Il est aujourd’hui menacé par la sur-exploitation liée à son succès commercial, ce qui soulève des questions éthiques sur l’exportation non régulée de savoirs ancestraux.

La transmission orale, une mémoire fragile

La médecine mapuche repose presque exclusivement sur la transmission orale. Ce sont les anciens, les kimche (les sages), qui détiennent les recettes, les chants, les gestes, les moments propices à la cueillette. L’apprentissage se fait souvent par l’observation et la répétition, dans le cadre de la communauté.

Mais cette forme de savoir est aujourd’hui en danger. L’urbanisation croissante, la scolarisation à l’occidentale, la déforestation et la marginalisation des communautés mapuches mettent en péril la continuité de ces pratiques. De nombreuses plantes médicinales deviennent rares, et les machis sont de moins en moins nombreux.

Par ailleurs, l’appropriation commerciale de certaines plantes (comme le boldo ou la murtilla) par des entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques, sans consultation ni compensation envers les peuples autochtones, est une source de tension.

Une médecine reconnue mais encore marginalisée

Depuis quelques années, on observe une timide reconnaissance officielle de la médecine mapuche par l’État chilien. Certains hôpitaux intègrent des machis dans leur protocole de soins, et des jardins de plantes médicinales ont été créés en partenariat avec les communautés autochtones.

Cependant, ces initiatives restent limitées et parfois symboliques. Les Mapuches réclament davantage qu’une reconnaissance : ils exigent une place égale dans les politiques de santé publique, une protection légale de leurs savoirs et un accès à leurs territoires ancestraux.

Vers une médecine naturelle plus éthique et durable

Pour les amateurs de médecines naturelles, il est tentant de s’enthousiasmer pour les remèdes mapuches. Mais cette curiosité doit s’accompagner de responsabilité. Acheter un produit à base de canelo ou de boldo, c’est aussi s’interroger sur sa provenance, sur les conditions de récolte, et sur la juste rétribution des peuples qui en sont les gardiens.

Plutôt que d’extraire ces plantes de leur contexte culturel pour les « occidentaliser », il serait plus respectueux de valoriser les communautés qui les utilisent depuis des siècles, en soutenant des initiatives locales, éthiques et équitables.

La médecine mapuche n’est pas une simple alternative naturelle : c’est une manière de concevoir la santé comme un lien profond entre l’humain, la nature et le sacré. Face à une médecine moderne parfois trop technicisée et déshumanisée, elle nous invite à ralentir, à écouter, à ressentir — et à soigner autrement.

Dans un monde en quête de sens, ces savoirs ancestraux sont plus précieux que jamais. Non pas comme des recettes à copier, mais comme des cultures à respecter.

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